D’une rive à l’autre

Le devoir de devenir

V.W.: de l’hétéromobile

Elle ne sait pas où elle va mais, dans sa robe blanche, elle conduit merveilleusement.

Son hétéromobile est en flammes mais elle ne s’en inquiète pas, seule la différence est sa douce inquiétude.

Elle brûle et ne se consume pas. Profond mystère qui reste hors de ma portée. Un peu en arrière, je me contente d’être déplacé et c’est là ma chance.

Elle brûle et ne consomme rien. Second mystère hors de ma portée.

D’où vient cette énergie inépuisable?

Elle ne peut habiter le Dedans et le Dehors lui est fermé. Mystère du corps hors de ma portée mais qui m’est un enseignement précieux.

C’est mon enseignante. Ma gratitude est infinie.

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Farhad Ostavani

octobre 26, 2007 Posted by | Non classé | Laisser un commentaire

Pourquoi je ne poste pas la lettre au père …

Pourquoi?, je ne l’ai jamais su mais dès que je l’ai su je ne me suis plus posé la question.

Dire que je le sais ne veut pas dire que je sois capable de savoir ce que je sais.

Je dois dire que mon père, travailleur infatigable au style simple et clair, trouvait que j’étais un coupeur de cheveux en quatre. Il avait toujours une plume de coq de bruyère à son chapeau de chasseur. Son fusil était avare de ses coups mais à chaque coup, il tuait. C’était un excellent chasseur, économe, honnête et droit comme un i (peut-être est-ce là l’origine de mes difficultés avec la virgule et de mon goût prononcé pour les italiques, les parenthèses, les crochets et les autres choses de la typographie tordue du coeur).

Il me fit cadeau de son fusil (un calibre 12). Ce fut une catastrophe, j’ai eu la honte de ma vie: impossible de le tenir en bandoulière (plus tard, j’ai ressenti la même honte avec l’appareil photographique).

Assez rapidement, j’ai su que le fusil était un problème considérable pour l’acheminement du courrier – d’autant plus que ce fusil avait été aussi celui de mon grand-père (un coq peu causant à la force physique redoutable, capable d’assommer un cheval de son coup de poing ou bien d’étrangler un fils d’un coup ou bien de forcer, sans coup férir, l’une de ses belle-filles).

Le diagnostic de mon oncle par alliance, Raphaël, fut brutal: j’avais reçu un coup de fusil en pleine poitrine et il n’était pas étonnant que j’aie du mal à écrire une lettre, plus encore de la poster. Il me prescrivit donc une opération des yeux.

Les progrès des sciences et des techniques sont d’une rare efficacité: l’opération au laser fut une totale réussite. Ma reconnaissance envers mon oncle est infinie car j’ai vu, soudainement, ce que je n’avais pu voir: j’étais la lettre que je pouvais enfin lire.

Inscription au grand registre de la dette: F.K.; A. D-W.; …

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American ballet

octobre 25, 2007 Posted by | Du sujet | Laisser un commentaire

Aimer/voir … fragments sur les seins de Valentin

Voir l’invisible (sous ses différentes faces) est l’une des qualités essentielles de l’amour.

Il y a tout d’abord l’Un divisible (parfois nommé l’Unique dans « Mon Unique Amour »): faire deux de Un, par la séparation, c’est le faire réel de l’amour qui n’est pas un savoir faire de la fusion imaginaire (de deux faire Un).

Aimer c’est séparer afin d’être ce que je serai: multiple et insaisissable dans l’infini réseau des mots.

Ce que j’ai dit est déjà cendres. Ce que je vais dire est une flamme du devenir.

Mais il est possible de lire l’incandescence sous la cendre et de produire, avec le souffle, une flamme nouvelle.

Pour cela une ligne téléphonique entre le Trésor des mots et l’Un de l’Autre est de la plus haute importance. L’appareil de mon téléphone, je me dois de le dire, c’est le corps insubstituable de ma mère.

Inscription au registre de la dette: H.C.; J.L.;S.F.; … ;V.W.; …

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Baccio-Maria-Bacci

octobre 25, 2007 Posted by | Amour | Laisser un commentaire

La tombe de l’amour …

Tomber amoureux, tomber amoureuse, sont les expressions de la langue morte.

La tombe de l’amour c’est ce qui se présente en masse obscure: le malheur. Aimer le malheur de l’autre afin d’oublier le sien est une définition paradoxale du bonheur.

Peu refusent d’entrer dans la sombre maison de la mort. Il faut une forte intuition de la vie.

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Wihelm Hammershoi

octobre 24, 2007 Posted by | Amour | Laisser un commentaire

La douce dynamite du prix Nobel de littérature.

Doris Lessing est un auteur qui nous transmet l’esprit avec humour. « The grandmothers », texte de 2003 (éditions Flammarion), est un concentré d’humour explosif.

Le constat est clair: les sociétés hautement développées contemporaines ont liquidé la question du Père. C’est une solution finale réussie dont on mesure mal l’importance et la gravité car c’est aussi la fin d’un ancien ordre des choses.

Le nouvel ordre des choses (qui n’est pas si nouveau) est matriarcal.

Il est possible que ce nouvel ordre réduise considérablement la culture des névroses (ce que démontre le texte de Doris Lessing) mais ce qui est positif pour la nature c’est que cet ordre pourrait clore la terrible histoire de la terre: la présence humaine.

Ce serait la dernière bonne nouvelle.

 

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Claas Arnaud

octobre 23, 2007 Posted by | Destruction | Laisser un commentaire

Donner/prendre …

L’amour de H.C. pour le téléphone est symètrique, en intensité, de sa haine pour l’appareil photographique.

C’est une question de flux et des moyens pour y faire face.

La vie est un flux vital que les mots peuvent ensérer dans les trous du filet. Aucun poisson d’argent n’y est retenu mais le vivace fait trace.

L’écriture est du côté du don: l’argent est donné sans compter. Plus on donne, plus il y en a. C’est là le miracle du trésor des mots.

Prendre une photographie c’est prendre ce qui est découpé par l’appareil dans le flux lumineux des couleurs. La prise du flux par l’image photographique est une rétention avaricieuse de l’objet, venu du réel de la lumière.

A la différence du tableau, une photographie ne me regarde pas, elle détruit l’objet cause du désir. C’était probablement là une des intuitions de M.D.: Le cinéma a pour fonction de détruire le livre disait-elle.

Inscription au registre de la dette: Hélène Cixous in « Si près » éd. Galilée

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Prise de la Loire par Jean-François Souchard

octobre 23, 2007 Posted by | Amour | Laisser un commentaire

La douleur (conte pour l’enfant) …

La source de ses larmes était obstruées depuis bien longtemps. Il n’en savait ni la raison ni la cause. Ce qu’il ne savait pas (ou bien ne voulait pas savoir) c’est qu’elle n’existait pas et que cela la faisait pleurer toutes les larmes de son corps.

Il avait toujours était assez ignorant de la vie mais elle en était la vérité même – c’était là sa chance.

Longtemps, ils n’avaient pas été du même bord. Ils se rencontraient sans se voir. Il s’en accommodait – comme tout les grands prédateurs de la jungle, elle en souffrait sur la plage déserte mais ne cédait pas; infatigable et patiente, elle marchait silencieusement toute les nuits.

Parfois, les mots inconnus et familiers nous tordent de douleur car le corps refuse la nudité de l’être.

Nu, exposé pour la première fois de sa vie à côté de son armure défaite, il la voit. Il accepte de marcher, à son côté, au bord de la mer.

La chance ne se présente jamais deux fois.

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Norbert Pagé

octobre 21, 2007 Posted by | Ignorance | Laisser un commentaire

Aller au bord de la mer …

C’était l’une des années entre 1950 et 1955. Après les grandes privations et la pauvreté toujours présente, une relative embellie leur donna un désir joyeux: aller au bord de la mer.

Ils (c’est à dire une fille, un garçon et un enfant) arrivèrent, sur la motocyclette, à Lilederé.

Une première plage immense pour l’enfant: Rivedoux.

Des parcs à huitres immenses pour le père.

L’immensité tout simplement pour la mère.

Il y avait un livre fermé: Gilderé. L’enfant ne pouvait rien en savoir mais c’était une souffrance.

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Courbet

octobre 11, 2007 Posted by | Voyages | Laisser un commentaire

L’arrêt du train

« Un jeune homme descendit d’un train à Reading; … » in A Love Child de Doris Lessing.

Première phrase du plus grand bonheur de l’écriture qui ouvre l’mmence espace de la lecture.

Descendre à Reading, une ville familiale du jeune homme où il s’ennuie à mourir, est une trouvaille géniale car elle actualise l’origine même de l’écriture: traduire ce qui s’est déposé dans le granit de la montagne. Il n’y a plus de buissons ardents mais les gigantesques glaciers qui attendent la fonte.

L’écriture est du côté de l’humide.

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Anselm Kiefer

octobre 11, 2007 Posted by | Dérives | Laisser un commentaire

De l’expulsion …

Depuis la nuit des temps, une poussée vers le dehors est devenue sa nuit.

L’expulsion est sa secrète jouissance, un noeud mortellement serré.

Expulsée du lieu où Il aurait pu habiter. C’est là son errance.

Tout fut reconduit à la frontière, même le trésor – sa partie la plus intime devenue intraductible.

Se conduire reste la difficulté essentielle.

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Soulages Pierre

octobre 10, 2007 Posted by | Trieb | Laisser un commentaire